Le musicien qui raccomodait le temps |
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Un
musicien est assis à l’angle d’une rue montante dans la vieille ville
de Jérusalem. Sa mélodie semble provenir d’un lointain intérieur comme
échappée du Palais des âmes. Les notes éclosent au contact de l’air
irradié d’une lumière qui transperce les pierres. Les hommes qui le croisent passent leur chemin sans le voir, insensibles aux vibrations d’un ailleurs tout harmonieux. Certains ralentissent le pas, se demandant perplexes : Où ai-je bien pu entendre cet air là ? Quelques uns s’arrêtent. Ce sont souvent des enfants tirés par les parents. Avec leur petit cœur battant qui contient le ciel, ils dévorent de tous leurs yeux le musicien. Quel âge a-t-il l’enfant ? Tout au plus quatre ans. Il tient dans la main la ficelle d’un ballon qui flotte dans l’azur. Émerveillé, il s’approche du musicien. • L’Enfant : Je voudrai pouvoir jouer comme toi. Tu m’apprendras ? • Le Musicien : Je t’apprendrai. La musique, vois-tu, est comme une bobine de fil que je déroule au-dessus de la ville. L’enfant montre les fils suspendus aux poteaux électriques. • Le Musicien : Oui, c’est un peu ça. Je raccommode le temps. • L’Enfant : Pourquoi, ça se déchire le temps ? • Le Musicien : Ca se déchire... (La ronde des âmes, extrait, nouvelle, Aline Mopsik) |